Suspendue un temps par la pandémie, la mobilisation contre le dérèglement climatique a repris son cours avec la COP26 en perspective. Organisée par un collectif d’organisation diverses à vocations écologistes , la marche pour le climat du 10 Octobre à Bruxelles a massivement mobilisé réunissant entre 50 000 et 70000 participants.
L’analyse sociologique des participants de ces marches confirme l’impression visuelle. Les participants sont majoritairement issus des catégories socio-économiques dites supérieures et pour le dire vite essentiellement des « bobos ». Les revendications y sont souvent bon enfant et ne contiennent que rarement un contenu social, il est vrai dans une certaine cohérence avec l’objectif premier de la mobilisation. La coalition climat incluse les syndicats et mutuelles libérales et chrétiennes mais pas les socialistes. Bref, en première analyse, cette mobilisation est « petite-bourgeoise » dans son contenu comme dans son contenant, et si l’on considère à la grosse louche que « le capitalisme n’est pas compatible avec la lutte contre le dérèglement climatique », il peut paraitre logique de penser que ces mobilisations ne servent pas à grand-chose.

Deux points viennent contredire ce schéma de pensée (un peu simpliste il faut bien se l’avouer).
La lutte contre le réchauffement climatique est une des voies qui mène à la lutte contre le libéralisme
La compréhension de la gravité des enjeux climats/énergie par certains « bobos » initialement peu soucieux des problèmes sociaux amène naturellement à réfléchir aux solutions à apporter, à l’organisation de la transition bas carbone de la société. Il apparaît alors bien vite que les émissions de gaz à effet de serre étant systémique, les solutions doivent également l’être. C’est dans ce cadre que certaines caractéristiques économiques du capitalisme (accumulation du capital, mondialisation des échanges, concurrence sur le marché du travail et de la réglementation fiscale, nécessité d’une croissance infinie …) viennent percuter de plein fouet la volonté de limiter le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité etc.

Par ailleurs, la globalité du réchauffement mondial quelque soit le lieu d’émission et les enjeux géo-politiques de la lutte contre le dérèglement climatique (les relations entre pays producteurs et consommateurs de ressource ; le fait que le réchauffement actuel, fruits des émissions passées des pays développés, est subi par les pays en voie de développement ; migrations climatiques présentes et surtout à venir) sont de nature à ébranler les certitudes sur l’organisation capitalistique et impérialiste du monde. Ainsi, la mobilisation contre le dérèglement climatique amène dialectiquement à l’antilibéralisme et l’altermondialisme des couches de la population initialement non concernées par la misère sociale compte tenu des fractures géographiques et sociétales de notre société de silos. Une « alliance » avec les catégories populaires peut alors se faire au nom de l’égalité devant la transition à accomplir. Elle sera d’autant plus naturelle que le programme politique de rupture avec le libéralisme sera porté par des militants ayant en retour une très bonne connaissance des enjeux climats/énergie.
Il va falloir transitionner sous le capitalisme
Cependant, attendre la révolution citoyenne issue de cette alliance pour lutter contre le dérèglement climatique est une attitude paralysante. Outre le fait que cela reviendrait à se couper de larges franges des catégories socio-économiques supérieures découvrant les méfaits du capitalisme et la nécessité de changer de système (cf ci-dessus), cette attitude repose sur un pari plus qu’hasardeux lorsqu’on regarde l’évolution des mouvements de gauche radicale en Europe.

Le dérèglement climatique a commencé assez conformément aux prévisions des modèles climatiques utilisés ces dernières décennies et ces conséquences commencent à être visibles en terme d’événements climatiques extrêmes. Nous n’en sommes qu’à l’apéritif car compte tenu de la grande inertie du CO2 dans l’atmosphère, quoique nous fassions le seuil des +1.5°C sera dépassé entre 2030 et 2040 selon le dernier rapport du GIEC . Par ailleurs les conséquences du dérèglement seront reliées à la hausse de la température moyenne de façon non linéaire (l’impact du passage de +1.5 à 2°C sera plus élevé que celui du passage de +1°C à +1.5°C). Les canicules, les sécheresses et autres inondations vont donc se multiplier menaçant la sécurité alimentaire, déstabilisant les sociétés avec des conséquences socio-politiques que l’on peut imaginer (ou pas).
je pense comme vous que votre analyse a propos de la nature petite bourgeoise des marches pour le climat, mais je pense n’néanmoins que nous avons un énorme
travail a faire pour dénoncer ces actions.
car elles ne mettent jamais en question la societé capitaliste, et essaient de mobiliser sur des actes citoyens
‘(individuelles) et oubliant que ce sont les capitalistes qui sont les plus grands fautifs avec les usines , leur multinationales en un mot pour la recherche de leur profit
Il y a , dans votre perception des participants à la marche pour le climat un parti pris et une posture que je trouve très discutables. J’y vois, non pas un contrôle, bien sûr, mais à tout le moins une lecture interprétative « au faciès » qui interroge sur sa rigueur. A supposer même, ce que je ne crois pas, qu’une identification des origines sociales soit possible et infaillible au premier regard, on ne saurait en déduire que ces origines supposées définissent invariablement le positionnement idéologique et politique des personnes observées. Mais je partage pleinement votre lecture des dynamiques vertueuses à l’œuvre dans des mouvements d’ampleur comme celui du 10 octobre dernier et leur impact sur des prises de conscience de plus en plus nombreuses.
Il s’agit d’une erreur de mise en page qui pousse à penser faussement « au faciès » et non à la rigueur d’une analyse sociologique. Le lien vers l’étude sur laquelle se fonde le raisonnement à été déplacé de « impression visuelle » vers « analyse sociologique ». L’utilisation des notes de bas de page sera de mise pour éviter d’induire en erreur le/la lecteur/lectrice.
Voici le lien: https://reporterre.net/Qui-manifeste-pour-le-climat-Des-sociologues-repondent